Mes parents n’ont jamais quitté le Mont Olympe, notre  cocon familial. En effet, depuis que nos aïeuls ont décidé de prendre leurs quartiers sur Terre, jamais aucun d’entre nous ne s’était permis de trouver un autre lieu sacré pour y vivre. Chacun vagabondait à travers le monde en ralliant le plus d’humains à sa cause pour gagner encore un peu plus de pouvoir. Plus ils croyaient en nous, plus notre force croissait. Mais nous n’aurions pas voulu habiter loin des nôtres.

Zeus, mon père, était un homme fort mais coléreux. Ses accès de colère étaient toujours redoutés mais il était d’une tendresse sans limite. De nombreux humains le vénéraient pour son caractère trempé et décidé, sa force vive.

Poséidon, mon oncle, était plus réservé mais sa force résidait dans le calme relatif qu’il affichait et son intelligence. Il avait lui aussi de nombreux admirateurs de par le monde. Il en imposait tellement qu’il avait quelque chose d’hypnotique.

Notre vie se passait sans trop d’encombres, les romances étaient l’une de nos distractionS favoriteS. J’avais moi-même succombé à un prêtre de mon oncle, Poséidon. Très vite, ce prêtre, pourtant simple humain, montra des signes d’attirance qui ne me laissaient pas de marbre.

Nos petits jeux me semblaient sans conséquence. Mais le temps passait, et je me sentais de plus en plus proche de cet homme. Il était en douceur, tout ce que les hommes que je côtoyais chez les Dieux n’étaient pas. La peur de devoir expliquer cet engouement soudain pour un humain à mon père me faisait faire des folies mais il arriva un moment où je dus me résoudre à tout avouer.

Tout commença le jour où je sentis en moi une force nouvelle poindre. Un jour où je rejoignais ma famille à la taverne d’Olympie, je me sentis défaillir après plusieurs verres d’hydromel. Tout d’abord les deux hommes furent affolés, essayant de me faire revenir à moi, puis petit à petit, examinant la réaction des serveuses, ils comprirent la raison de ma défaillance. Je dus enfin leur annoncer la nouvelle. Ils furent tous deux fort surpris au début mais très vite, une sorte de colère empreinte de jalousie les pris, chacun ayant une vision du futur de l’enfant très différente.

Zeus ne pouvait imaginer laisser son petit-fils vivre ailleurs et autrement que selon ses préceptes alors que Poséidon était grisé par le fait que cet enfant pouvait devenir son successeur dans son temple. Depuis quelques temps déjà, il voulait mettre un terme à sa vie publique et rêvait de pouvoir se reposer tout en surveillant l’activité de ses océans, loin d’Olympie. Cet enfant deviendrait sa représentation publique, mi-homme, mi-Dieu.

Zeus refusait cette idée de retraite : en Dieu responsable, il ne pouvait que rester sur l’Olympe. Ils en vinrent aux mains, et très vite la taverne ne ressembla plus qu’à un immense champ de bataille où aucun des deux colosses ne réussissait à prendre le dessus. Leur lutte dura plusieurs jours sans que personne n’arrive à les séparer. Ce ne fut qu’à l’aube du quatrième jour que Poséidon, le plus réfléchi des deux, décida d’arrêter là et de me laisser choisir. Bien évidemment, je ne pus faire mon choix ainsi et leur demandait un peu plus de temps. Poséidon accepta de me laisser le temps de la réflexion et annonça qu’il préférait s’éloigner le temps que Zeus et lui-même se calment. Chacun rentra donc de son côté, qui vers les sommets du Mont Olympe, qui vers la côte pour prendre une petite retraite spirituelle, qui dans son palais sur la falaise.

Noyée dans mon chagrin et mes doutes, je n’arrivais plus à voir ce qui se passait autour de moi. Ainsi, je ne sentis pas le sort de protection que Zeus mit en place autour du Mont Olympe, empêchant quiconque, homme ou divin, d’entrer ou de sortir de la zone d’enchantement. Il était devenu tellement puissant qu’il régnait à présent sur la terre et les cieux. La zone de protection était néanmoins assez petite puisqu’elle ne couvrait que son palais et le mien, ainsi que les quelques champs alentours nécessaires à notre survie lors d’un siège.

Lorsque je compris ce qui se passait, ma rage me fit rendre la raison et je courrais chez mon père pour lui dire ma façon de penser ! Il déclara alors qu’il ne pouvait être autrement puisque l’enfant était sien et qu’il désirait ainsi protéger son patrimoine. Nos disputes ont longuement résonnées à travers les terres, Zeus ayant appris à matérialiser ses colères en catastrophes naturelles.

Poséidon, apprenant la situation, préféra rester dans les mers jusqu’à ce que Zeus se calme. Il médita alors une âpre vengeance.

Je ne pus rien faire jusqu’à la délivrance de l’enfant, mon corps et mes pouvoirs étant sollicités par de nombreux autres besoins naturels. Ce jour-là, Zeus fut le plus heureux des hommes car l’enfant était un garçon fort et vigoureux. Tous les deux rayonnaient. Je me sentais encore plus prisonnière. Quelques semaines après la naissance, Zeus décida de célébrer l’heureuse nouvelle en faisant une grande fête. Il décida même de convier ses prêtres et fidèles aux alentours du Mont Olympe pour l’occasion.

Le jour J, Zeus leva la protection une heure durant afin de permettre à ses fidèles de venir se prosterner devant son héritier et de s’en retourner. Poséidon, bien entendu, profita de l’occasion pour revenir sur l’Olympe, et profita de l’état d’ébriété avancée de son adversaire en enlevant l’enfant devant des gardes impuissants face à ses pouvoirs.

Je voulus m’enfuir avec lui mais alors que nous approchions de la fin de la zone de couverture du sort de protection, Zeus, aviné et hagard mais encore conscient nous rattrapa. Les deux géants se toisèrent dangereusement. Zeus cria que jamais aucun de nous ne survivrait si nous franchissions cette limite. _J’essayais de le convaincre de se calmer, de nous laisser partir.

Poséidon créa un énorme tremblement de terre pour essayer de déstabiliser son adversaire et un tsunami d’une grandeur sans pareil, provoqué par le tremblement de terre, s’abattit vers eux. Il disparut dans les eaux avec l’enfant dans les bras. Zeus dut remettre le champ de protection en place pour que nous ne soyons pas emportés par les flots nous aussi. Il fut d’autant plus énervé et pendant les deux semaines suivant l’évènement, les pires catastrophes s’abattirent sur la terre. Pour éviter que moi aussi je ne disparaisse, Zeus m’obligea à me terrer dans mon palais, désespérée d’avoir ainsi perdu mon enfant et ma liberté.

Le temps passait et Zeus ne parvenait pas à en retrouver ni son frère, ni l’enfant. De mon côté, je mûrissais une haine constante pour tout ce qui m’entourait. Il fallait que je retrouve mon enfant, la chair de ma chair, coûte que coûte ! Mes fidèles virent très vite que quelque chose n’allait pas et j’en profitais pour leur proposer mon aide contre leur implication. Je les envoyais donc à travers le monde à la recherche de mon enfant. J’appris que l’enfant avait été confié à son père biologique et caché parmi les humains. Ils devaient remuer ciel et mer pour se faire et ne devaient laisser aucune trace de vie si l’on s’opposait à leur dessein.

Mon armée grandit, motivée par l’amour d’une femme en plein désarroi. Elle détruisait tout sur son passage, ne laissant que ruines et désolation. C’était l’exacte représentation de mon état d’esprit. Plus le temps passait et plus j’étais en colère. Que l’on enlève son enfant à une femme, que l’on ose toucher à un seul des cheveux de sa progéniture et plus rien ne peut arrêter une femme en colère. Ma puissance ne cessait d’augmenter mais je ne pouvais toujours pas sortir de ma prison dorée. Je menais mes campagnes, consciencieusement, sans aucune vergogne. Rien ne m’arrêtait, encore moins mes troupes qui ne cessaient de gagner en férocité.

Aujourd’hui encore, mes armées luttent. Je ne désespère pas de retrouver Poséidon et mon enfant, et ce jour-là, notre puissance cumulée me libérera de ma prison et de mes tourments. En attendant, je rassemble mes forces pour mener mes campagnes et mener mes hommes.

Je suis la Mère de l’Amour et de la Haine. Je suis la Mère du Désespoir et de l’Espoir.

Je suis Athéna, Déesse de la Guerre